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Bernard Charbonneau
Sauver nos régions
Au lecteur
À tout produit il faut bien une étiquette : à tout livre, un titre. C’est pourquoi j’ai choisi Sauver nos régions (Écologie, régionalisme et sociétés locales). La meilleure étiquette est pour une part trompeuse, elle a pour fonction d’attirer le regard du consommateur, qui peut seul juger du contenu, bon ou mauvais, de ce qu’elle désigne. Mais n’ayant pas l’intention de lui vendre un ersatz plus ou moins camouflé en produit naturel, il faut que je lui dise en quoi ce titre est vrai, et en quoi il risque d’être trompeur.
Il associe « écologie » et « régionalisme » parce que la défense de la nature et celle des sociétés locales qui s’y enracinent participent d’une même menace et d’un même combat. Mais, par ailleurs, ces deux termes d’écologie et de régionalisme risquent d’égarer si l’on n’en fait pas d’abord la critique. L’écologie, si l’on donne à ce mot le contenu précis qu’il avait à l’origine, est l’étude scientifique « des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu » (Le Robert). À l’origine, l’écologie était l’affaire des biologistes et des naturalistes qui s’intéressaient aux équilibres naturels plutôt qu’aux sociétés humaines ; et ce n’est que depuis quelques années que les médias l’ont répandue dans le grand public en lui donnant le sens de la défense de la nature contre une société industrielle ne songeant qu’à l’exploiter au profit de l’homme. Même si vous n’êtes pas un spécialiste de l’écologie, même si c’est cet homme qui vous intéresse avant tout, à partir du moment où vous constatez que le progrès industriel a des effets négatifs sur la terre et ses habitants, rien à faire, vous voici écologiste, comme on disait fasciste ou communiste. Or, si par un long détour scientifique et critique le « mouvement écologique », nous ramène à la nature, il est lui-même fort peu naturel, puisqu’il est un produit typique de ces sociétés industrielles avancées qu’il dénonce. L’écologie nous rappelle (mais on peut l’apprendre tout aussi bien sans passer par le canal de la science) que l’homme est nature et que, s’il pousse trop loin l’exploitation destructrice de son milieu naturel, il se détruira. Mais par ailleurs il est surnature, et il rêve d’un ordre où la mort, la souffrance, la lutte pour la vie, le règne du fort sur les faibles qui sont de règle dans les écosystèmes, seraient abolis. L’homme n’est pas nature ou surnature, il est l’un et l’autre ; et chaque fois qu’il oublie l’un ou l’autre des deux termes de la contradiction qui constitue son existence, il se nie. Je résume, ayant eu l’occasion de le dire plus en détail ailleurs. Si le mouvement « écologique » réalise à quel point, en un sens, il l’est peu, tout en défendant la nature, il pourra sauver la liberté de l’homme.