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Bernard Charbonneau
Trois pas vers la liberté
(inédit, vers 1990)
Les quelques pages qui suivent paraîtront sans doute, parce que trop générales, abstraites, éloignées de toute réalité concrète, naturelle ou humaine. Mais si les détails de cette weltanschauung – sinon philosophie – sont peu visibles, c’est parce qu’ils sont vus de trop haut, au bout de toute une longue vie, acharnée à poursuivre dans le même sens la même connaissance. Ce court texte vient en conclusion de près de vingt livres. En s’y référant, le lecteur pourra vérifier que l’auteur s’est au contraire préoccupé de l’infinie diversité des phénomènes concrets, matériels et humains, que les sens et l’esprit d’un homme peuvent enregistrer au cours de son existence. Ces quelques pages ne font que résumer tant d’autres.
I — On et moi
La société et l’individu ; à première vue tout l’homme. On : l’innommé humain ; car depuis les païens on ne se dit plus des forces de la nature. L’on, l’hom en général. Invisible et partout présent, l’insaisissable inexistant collectif. L’impersonnel ; mais comme pour notre espèce vouée à la liberté il est impensable, on pour le peuple devient aussitôt ils, ces responsables de nos malheurs.
En tout cas une chose est sûre, on ce n’est pas moi. Moi je… d’abord. L’individu présent en ce vif instant que je suis. À moi la douleur qui me poigne, la volupté qui me saille. Le possessif du possesseur : mon pain, ma maison, ma famille… Mes intérêts, mes rêves… Mes sensations, mes désirs, c’est moi qui les éprouve, non un autre. En moi le cœur, le centre interne, hors de moi l’externe. De toute évidence c’est moi d’abord qui existe. Et si on me dit que mes pensées et mes actes ne sont pas les miens, n’importe, c’est quand même moi qui le pense et le fais. Même s’ils me dépassent, à moi le sens et le non-sens, le oui et le non. Comment, sans même me l’avouer et encore moins me le dire, tel Stirner ne me prendrais-je pas pour le nombril de l’univers ?
Ma vie, ma peau, ma carrière ? Autant que le possesseur j’en suis le possédé ; qu’on y touche et l’on verra ! Mon ego est le rempart qui enferme tous mes biens ; comment ne pas jeter à la face du monde ce moi qui claque comme un soufflet ? À lui seul l’être, tout autre n’est qu’un reflet de celui-ci. Moi… ici même, aujourd’hui, l’individu que je suis. Mais alors, hier comme demain, à lui le néant. Lire la suite