Citations, 79

Ce n’est pas la mort que nous redoutons – nous nous accommodons très bien de mourir en la niant – mais l’angoisse dont elle est l’occasion, l’obligation de mettre en question cet univers dont nous sommes partie. Ce n’est pas la mort que nous fuyons, mais les affres d’une nouvelle naissance : l’obligation de naître enfin à notre vie personnelle. Car la mort est le propre de la personne humaine, sa vérité spirituelle naissant paradoxalement de sa réalité physique. La conscience de la mort nous découvre en effet au même instant la réalité par excellence : l’irréductibilité du donné, la détermination triomphante d’une chair enfin livrée à elle-même, et un élan qui passe toute nécessité, toute la grandeur de l’homme naissant rigoureusement de toute sa misère. La conscience de la mort nous révèle le mystère de notre vie : celui d’un esprit absolu incarné dans une existence finie, qui participe totalement d’elle et lui échappe totalement. C’est ce scandale qui nous étreint la gorge, et non la mort.

Je fus. Essai sur la liberté. Opales, 2000. Rééd. R&N, 2021.

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