« Coûts de la croissance et gains de la décroissance »

Coûts de la croissance et gains de la décroissance

(Tiré de la quatrième Chronique de l’an deux mille
parue en mars 1974 dans Foi et Vie)

Jusqu’en 1970, la société industrielle née de la Seconde Guerre mondiale a vécu dans l’illusion que la croissance exponentielle résolvait tous les problèmes. À l’Ouest comme à l’Est, c’était l’évidence que nul ne discutait : si la quantité de pétrole ou d’acier doublait, la qualité de la vie faisait de même. Et si le libéralisme ou le socialisme n’avaient pas démontré l’excellence de leur régime par un taux de croissance plus élevé, ils eussent échoué. Les idéologies et les intérêts pouvaient opposer les nations, la référence ultime que symbolise la courbe restait la même. Et les peuples « sous-développés » n’avaient qu’un but : rattraper et dépasser la production de cet Occident détestable.

Puis les temps ont changé. Il y a eu d’abord la crise de Mai 68 qui a révélé que la prospérité pouvait fort bien aller avec le malaise, et en 1970 l’année de protection de la nature et le mouvement écologique venu des USA permirent de dire que bâtir une usine peut également signifier détruire une rivière. En 1972, le rapport du MIT apprit aux Français étonnés que la science et l’ordinateur pouvaient contester la croissance exponentielle du monde qui en est le produit. Enfin, les restrictions imposées par les cheiks du pétrole, peu pressés d’échanger un bien réel dont les réserves s’épuisent et que sa raréfaction rend de plus en plus cher, contre du papier qui perd de sa valeur, révélèrent que la crise de l’énergie n’avait rien de théorique. Et maints bons esprits corrigèrent leurs discours en fonction de cette conjoncture nouvelle.

Lire la suite