Le triomphe du Progrès est celui de la raison positive, mécanique et quantifiable. Donc son contraire, c’est l’irrationnel, la mystique et la magie. Tout un courant moderne antimoderne s’en réclame en invoquant la sociologie du Sacré et l’inconscient freudien qui lui donnent la caution scientifique. Et maints poètes ou trafiquants fournissent la nostalgie du public en ersatz plus ou moins efficaces.
Retourner à la nature, c’est retrouver le lien sacré qui unit l’homme au Cosmos en faisant demi-tour sur le chemin qui a mené du christianisme au rationalisme. Après D.-H. Lawrence et combien d’autres intellectuels, certains écologistes sont hantés par la nostalgie d’une religion qui réintégrerait l’homme dans le Tout en résolvant les contradictions qui alimentent l’angoisse moderne. Mais ce paganisme panthéiste, rebouilli au feu de l’Évangile, n’a rien de la mesure et de l’harmonie grecques, il relève du seul Dionysos retour d’Asie. Pour cet irrationalisme, la raison n’aboutit qu’à des pratiques matérielles dépourvues de sens ou à une critique desséchante et stérile, ce n’est pas la conscience mais l’inconscient qui ouvre la voie de la Connaissance. D’où le penchant de pas mal de jeunes écolos pour les solutions magiques et exhaustives plus ou moins camouflées en science. De là aussi la recherche – souvent déçue – du gourou qui vous fournit la panacée universelle. Ou, faute de mieux, le recours aux poisons sacrés, source d’ivresses divines.
Le Feu vert, autocritique du mouvement écologique, Karthala, 1980,
réédité à L’Echappée, 2022