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Bernard Charbonneau
An deux mille
Conférence publique faite fin 1945
au Palais des arts de Pau devant le préfet des Basses-Pyrénées.
(Reproduit in Nous sommes révolutionnaires malgré nous,
Le Seuil, 2014)
LE FAIT
Le 6 août 1945, une déclaration du président des États-Unis Truman suivie d’une déclaration de l’ancien Premier ministre anglais Winston Churchill nous annonçait que l’aviation américaine s’était servie pour la première fois de bombes atomiques. Un seul engin lancé sur le port de guerre japonais d’Hiroshima avait anéanti la plus grande partie de la ville. La fumée de l’explosion, visible de 200 kilomètres, s’était élevée à 23 kilomètres de hauteur. Les chefs d’État prévoient l’emploi de bombes plus puissantes encore.
SUR DEUX RISQUES À COURIR
Il me faut d’abord proclamer le caractère prodigieux de l’événement. Pour une fois, l’importance de l’accident historique est directement en rapport avec sa puissance de sensation. Une lumière fulgurante nous illumine sur la marche du monde où nous vivons ; le seul danger est d’en être ébloui. On ne passe pas impunément du plan de la vie quotidienne à celui du roman d’anticipation, de la lutte journalière pour le bifteck à celui de l’Apocalypse.
Comme pour tout événement essentiel, il faut s’attendre à voir se déclencher les processus de justification qui permettent au monde d’assimiler l’inassimilable, d’autant plus inévitables que si l’emploi de l’énergie atomique risque d’être un danger mortel pour l’homme, la prise de conscience de ce danger risquerait d’être mortelle pour ce monde. Lire la suite