Recommençant l’aventure de l’Éden, nous accédons à la science, qui est celle du néant. Car elle nous révèle seulement l’absolu que nous adorions déjà : la puissance. Rien n’existe vraiment, sinon elle ; tout le reste – l’homme lui-même – n’est qu’une forme appelée à se dissiper. Tout se vaut, et se ramène à un plus ou moins de puissance. Pourquoi, brisant la forme, ne pas libérer la divine énergie de cette prison ? Nous disposerons alors de la force dont est faite toute création, donc toute créature – moins la pensée qui fait leur expression. Comme des dieux nous pétrirons l’univers à partir de l’élément fondamental, mais comme notre pouvoir nous tient lieu de projet, nous détruirons seulement toute forme afin d’en récupérer l’énergie. Rien n’existe, vous dis-je ; tout devient. L’odeur des roses après la pluie, le dernier souffle de l’agonisant ? – De l’énergie à récupérer. Pour quoi faire ? – Pour produire encore plus d’énergie… Le culte solaire de la puissance finit par s’épanouir en une nova d’ardeur déchaînée. À moins que nous n’échappions à l’expansion totale par une contraction totale dont le spasme tétanique figerait ce paroxysme du chaos.
Le Système et le Chaos. Critique du développement exponentiel. 1973