Citations, 84

La société industrielle occidentale pratique avec brio l’abcès localisé par où se dissiperont sans danger les toxines de la révolte. On la détourne dans le ghetto de la culture : du roman, du théâtre ou de la chanson. Tout le monde y gagne, les artistes qui peuvent prendre dans l’imagination des libertés infiniment plus grandes qu’ailleurs, et les hommes d’action que nul ne viendra déranger leur secteur. Ainsi la révolution se fait au théâtre, que la bourgeoisie qualifie volontiers de populaire, où elle vient écouter la bonne parole de Brecht pour s’assurer que Marx est un auteur classique. Dès le Chat noir, les belles dames allaient se faire insulter par Bruant avec un délicieux frisson dans le dos. De Jehan-Rictus à Brassens et à Léo Ferré, une solide tradition veut que le chansonnier soit un intégriste de la révolte individuelle. Car en France la bourgeoisie sait bien que tout (mais d’abord la révolte pour la liberté) « finit par des chansons ». Celle-ci est le parc national où l’ordre établi entretient à grands frais ce fauve préhistorique : l’anar. Mais qu’il n’en sorte pas : partout ailleurs l’on tire à vue.

Le Système et le Chaos. Critique du développement exponentiel. 1973

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