Le mensonge de la liberté qui la place dans le donné fournit tous les prétextes de la refuser. Se nier, la pente de chacun, devient ainsi le commandement et l’effort. Comment ne pas succomber… au devoir ? S’abandonner au courant c’est être libre, s’absorber dans le tout affirmer sa personne : identifiée au donné, la liberté l’est finalement à la Chute, le poids des choses prend le caractère absolu de l’Esprit. La liberté n’est pas fatale, un homme peut très bien refuser de naître à sa vie. Dès lors, muré dans la nécessité par l’illusion intéressée de son autonomie, il ira où va toute chose laissée à elle-même : au plus bas. Le responsable, le coupable, c’est celui qui se sert de sa liberté pour la détruire avec sa personne : le lâche qui se refuse au non comme au oui, l’hypocrite dont la vie n’est qu’un rôle et la parole un alibi. Le légataire infidèle, qui ne fait rien pour garder et transmettre le trésor dont il nourrit sa médiocrité au jour le jour. Liberté, je sais que sur ton chemin je rencontrerai d’abord ton mensonge. Puissé-je dire ton nom sans éveiller le démon qu’il évoque. Puissé-je en dépouiller le langage, les monts et leurs forêts, les empires et leurs gloires, pour la retrouver en elle-même. Dans la révolte nue, dans le feu de l’esprit embrasant la personne présente.
Je fus. Essai sur la liberté. Opales, 2000. Rééd. R&N, 2021.