À mes héritiers

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À mes héritiers

(manuscrit inédit, vers  1995)

Je lègue à ma descendance mes valeurs, biens meublés et immeubles matériels. Et mes vraies richesses à mes héritiers si j’en ai. N’ayant pu en faire activement profiter mon espèce, faute de mieux, elles ont pris forme d’une œuvre écrite. Composée de livres, publiés ou non, traitant de sujets divers elle forme cependant un tout. Mais son unité, inséparable d’une vie, n’a rien d’une idéologie : un homme peut oser le dire au terme de son travail, celui d’une existence. Pour aider ceux qui sont prêts à me suivre dans cette entreprise, forcément inachevée, à comprendre pourquoi et comment ces écrits forment un tout, j’en dresse ici la liste selon un ordre logique. Et j’y ajoute pour chacun un court commentaire, afin de montrer le rapport qui unit des livres que risquerait de disperser la diversité des expériences et des sujets. En rassemblant ainsi ces pierres d’un même édifice, j’espère associer la rigueur trop abstraite des doctrines et de leur logique à la richesse du donné, naturel ou humain, telle que la spontanéité des sens et la richesse de l’esprit l’enregistrent.

Commençons par l’essentiel : le tout-puissant motif qui force un homme contre vents et marées à rompre le silence. La vérité qui inspire mes écrits et fait leur unité – celle de la personne – la chance et l’amour aidant. La raison d’être et le sens d’une vie qui la pousse avant sur sa route, l’orientent et la situent à tout instant dans l’espace-temps, plus que jamais vertigineusement changeant, où l’ont jeté sa naissance et sa conscience. Motif et vérité qui se disent en un mot : liberté. J’ai essayé de lui rendre vie, sang et valeur en l’opposant à son mensonge en un livre intitulé Je fus. À partir de celui-ci, une critique du teilhardisme : Teilhard de Chardin prophète d’un âge totalitaire aidera à préciser en quoi consiste la liberté par opposition à son contraire.

Celle d’un homme se dégage de la nature, et plus difficilement encore de sa société, qu’il ne distingue guère de sa liberté. Pour le dire de la façon la plus spontanée possible, j’ai utilisé l’aphorisme dans Une seconde nature. La quinzaine de livres de description et d’analyse critique d’une société en mue accélérée du commencement à la fin d’un siècle, s’éclaire et s’explique à la lumière de cet amour de la liberté qui l’a inspirée. Autant que la raison, cette passion en fait l’unité.

La vérité fondatrice de la société moderne et ses conséquences font l’objet d’Ultima Ratio (1), critique de la science. Livre qui peut être complété par Vue d’un finisterre [Finis Terrae] aux approches de l’an deux mille. L’ensemble des problèmes posés à la nature et à l’homme par le développement est traité dans Le Système et le Chaos, qui montre à quel point il accule à un choix, dans les deux cas inhumain, entre une catastrophe et une organisation totalitaires.

La destruction et la protection de la nature sont peintes et analysées dans Le Jardin de Babylone. Tristes campagnes a pour sujet le bouleversement de celles du Sud-Ouest par le développement. Notre table rase et Un festin pour Tantale, les conséquences de l’agriculture en industrie pour les nourritures, les paysages et les cultures. La propriété c’est l’envol et Le Changement dénoncent les effets de la mobilité sociale. L’Hommauto, en termes ironiques, le massacre routier longtemps passé sous silence. Le Plus et le Moins, essai sur la hiérarchisation, souligne la contradiction du développement et de l’égalité. Dimanche et Lundi, celle d’une société éclatée entre le travail et les loisirs. Puis, dans Vue d’un finisterre [Finis Terrae] comment au dogme du travail a succédé celui de l’emploi, la société remplaçant ses travailleurs par des esclaves mécaniques. Enfin, Il court, il court le fric montre comment l’or pesant, puis l’argent-papier, devient l’immatériel fric, valeur et Saint-Esprit de notre société.

Le Paradoxe de la culture fait la critique d’une organisation sociale qui détourne le désir de beauté et de liberté, menaçant pour elle, dans le secteur prestigieux et inoffensif de la Culture. Fonction de plus en plus remplie par les divers médias : presse, radio et surtout télé qui, sous prétexte d’informer l’opinion font vivre des masses passives dans l’imaginaire. La Société médiatisée montre comment cette médiatisation assure ainsi la cohérence des sociétés capitalistes ou socialistes en faisant intérioriser leurs contraintes par les individus et les peuples.

Enfin L’État explique et décrit comment la substitution de l’organisation scientifique et industrielle à la socialité spontanée a jusqu’ici entraîné le progrès de l’État. Organisation qui, guerrière ou pacifique, tend à devenir totalitaire. D’où parallèlement la réaction aveugle des individus et des peuples menacés dans leur identité et leur liberté. Réaction qui dégénère en nationalisme. Cette uniformisation et cette réaction sont le sujet de Sauver nos régions. La réaction écologique et ses limites sont étudiées dans Le Feu vert.

On doit mentionner que ces aspects du monde actuel, du point de vue de la liberté, ont aussi fait l’objet de quelques petits livres, sous forme ironique et concise. Bien aimer sa maman ironise sur la difficulté pour l’individu de couper le cordon ombilical social. Comment ne pas penser passe en revue les divers moyens de se débarrasser des angoisses de la contradiction fondamentale. La Célébration du Coq ridiculise la folie nationaliste, la nôtre, celle de la France gaulliste. Mais cette ironie, forme extrême et désespérée du sérieux, est aussi un élément de tous les autres livres. Ils forment un tout, comme il est dit au début.

Dans les dernières années furent écrits L’Esprit court les rues, exégèse des proverbes. Requiem pour une sagesse des nations, la culture médiatisée de masse succédant à la culture populaire.

Quatre témoins de la liberté. Pour aider à comprendre son essai sur la liberté, Bernard Charbonneau fait appel aux écrits de quatre auteurs connus : Rousseau, Montaigne, Berdiaev et Dostoïevski, notamment les deux derniers dont la pensée se rapproche de la sienne.

Une seconde nature II. Nouveau livre d’aphorismes sur le revers de la liberté et le passage à une troisième nature : la liberté (inachevé).

Note

1. Réuni au Paradoxe de la culture dans Nuit et Jour, paru aux éditions Economica (1991). 

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