Nous vivons dans un Univers brisé, ce qui n’est pas commode; et pourtant c’est par cette fissure que se répand le souffle de la vie et de la liberté. Puisque la Vérité est un absolu, un homme ne peut songer à la posséder. Tout système qui la met à notre hauteur est donc suspect d’être, non une source de lumière, mais le reflet de notre état. Mais c’est la passion même de la Vérité qui conduit à récuser ses faux-semblants : ces constructions verbales provisoires qui font de l’homme, ou plutôt d’un moment de son histoire, le nombril de l’Univers. Ce qu’il est ne peut pas, — et même ne doit pas —, être totalement expliqué ou justifié.
Teilhard de Chardin, prophète d’un âge totalitaire, Denoël, Paris, 1963