La condition nécessaire d’une victoire de l’homme sur la fatalité politique — et cette condition serait suffisante si elle était pleinement remplie —, c’est d’être. L’État ne se développe que là où nous ne sommes pas pour nous dispenser, légitimement ou illégitimement, de l’effort. Les peuples et les individus libres sont les peuples et les individus riches d’une vie surabondante auxquels il est aussi naturel de donner qu’il leur est normal de recevoir. Être : la condition à la fois la plus proche et la plus lointaine, la plus évidente et la moins facilement concevable. Car le langage ne devrait pas avoir à traduire ce qui devrait aller de soi ; et l’action se voit obligée de recréer l’homme et le monde. C’est bien là la difficulté fondamentale de tout combat pour la liberté. Il est facile d’imaginer l’anarchie, de définir un système fédéraliste. Mais il est bien plus dur de créer la base qui leur donnerait un contenu. Décentraliser, réunir, libérer quoi ?…. là est la vraie question.
L’Etat, chez l’auteur, 1951, Economica, 1987. R&N, 2020.