L’avenir c’est l’eau, le silence, la nature, qui va devenir exactement son antithèse : le plus coûteux des produits. Bayer enténébrera l’atmosphère pour vous fabriquer du ciel bleu, Esso-Standard engraissera l’Atlantique pour dégraisser la Méditerranée. L’ENA vous fabriquera des paysages où les gentianes et les ours seront administrés bureaucratiquement. Et un beau jour, en catastrophe et quand l’irrécupérable sera accompli, MM. Massé et Jérôme Monod planifieront la décroissance ; et le « birth control » irréparable succédera enfin aux allocations familiales. Mais l’un et l’autre auront en commun d’être obligatoires et de contrôler les individus jusque dans l’orgasme. Car si l’on veut le bien du peuple, il faut le rendre heureux ; et la science lui dira quand et comment il doit tirer son coup. Après la quantité, M. Mansholt se chargera d’organiser la qualité de la vie : demain comme hier vous n’y couperez pas.
« Chroniques du terrain vague », La Gueule ouverte, n° 4, février 1973