La personne qui s’éveille à la liberté se découvre au cœur du présent, mais ce présent, nul ne peut le saisir. Tout homme conscient vit sur le tranchant d’une épée, qui est celle du temps ; et s’il aime, le fil de cette épée appuie sur son cœur. Toute liberté aspire à l’éternité, et elle apprend ainsi qu’elle n’est qu’un phantasme, bientôt englouti dans le néant. Être libre : être un homme, est une angoisse ; et cette angoisse n’a qu’une issue : le conflit, avec la nature, la société et soi-même. Il est déjà dur de se découvrir libre, le pire est qu’il faille le devenir. La liberté n’est pas donnée elle est à prendre, soit qu’on la pense, soit qu’on la vive. Être libre c’est s’affranchir : toute liberté est libération. L’homme libre apprend vite qu’il doit la conquérir sur les penchants de la nature et les préjugés du monde. Assiégé de toutes parts, il lui faut de plus se battre dans la place, car la nature et le monde sont d’abord en lui. Seul, comme il le sera dans l’agonie, il affronte les dieux, les choses et les hommes, le cœur à vif et à mains nues.
Je fus, essai sur la liberté, Opales, 2000