Celui qui s’engage dans un tel dialogue perd son temps et se perd s’il n’en comprend pas la nature ; car il dialogue tandis que son interlocuteur combat. Là est le ridicule de la plupart de ces discussions entre intellectuels de formation libérale et partisans des mouvements totalitaires. Ce sont plutôt les premiers qu’il faudrait incriminer de duplicité, car, en feignant de prendre pour des vérités les raisons tactiques des seconds, ils s’interdisent d’engager avec eux la seule discussion sérieuse, celle qui porte sur leur seule vérité : le sacrifice de la vérité au nom des nécessités de l’action. Mais il est vrai que cette discussion-là est autrement angoissante qu’une « compréhension » qui ne sert qu’à fuir les questions dangereuses.
Rendez à César ce qui est à César, 1951