Tant qu’il y aura des gouvernements bien organisés, les ministres de la police feront bien de se méfier des jeunes qui partent seuls parcourir les chemins creux : ce sont certainement de mauvais esprits, beaucoup plus que tel sénateur communiste ; « mais ils sont si gentils, ils ont des idées généreuses et vagues, ils ne font pas de politique » — sans doute, mais il se peut toujours à la longue qu’un mauvais esprit finisse par devenir conscient de ses exigences. Les gouvernements se méfient des excités possédés par l’esprit de justice, le sentiment d’une misère commune ; qu’ils se méfient aussi de l’amour authentique de la nature, car si un jour, brisant brutalement les constructions subtiles de la politique, un mouvement se dresse contre la plus raffinée des civilisations, ce sentiment en sera la force essentielle.
Le Sentiment de la nature, force révolutionnaire, 1937. Le Seuil, in
Nous sommes révolutionnaires malgré nous, 2014.