Rien ne nous est plus naturel que de nous considérer comme libre : comme un homme parmi d’autres, semblables à nous parce qu’également singuliers. Pourtant, si par extraordinaire nous cessons de supposer que cette liberté va de soi, alors s’ouvre un abîme ; et chaque effort pour le sonder nous le révèle plus creux. Jusqu’au jour où nous réalisons l’insondable profondeur de notre liberté : la force qui nous en écarte est exactement celle de ce vertige. Plus un homme fait l’expérience de sa liberté et découvre à quel point elle est le centre de sa vie, plus il éprouve combien il lui est difficile de la vivre. Être libre, c’est supporter cette tension au lieu de la fuir.
Je fus. Essai sur la liberté. A compte d’auteur, 1980, Opales, 2000.